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1994. L'élection de Nelson Mandela à la tête de l'Afrique du Sud marque la fin de l'Apartheid. Néanmoins, la nation arc-en-ciel demeure marquée par les inégalités et les rancoeurs, et divisée économiquement et socialement. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen un motif de fierté, Nelson Mandela mise sur le sport et soutient inconditionnellement l'équipe de rugby nationale, menée par François Pienaar, qui va disputer la Coupe du monde organisée par les Sud-Africains. Certain d'aller dans le bon sens, il n'hésite pas à s'opposer à sa propre communauté, qui voit dans les rugbymen le reliquat d'une époque honnie.

Critique lors de la sortie en salle le 13/01/2010

Par Jacques Morice

Un dur à cuire qui rêve d'une sieste molle, c'est le profil du personnage type dans le cinéma de Clint Eastwood. Cinéma, on le sait, masochiste, très physique, tiraillé entre la nécessité d'agir et l'envie de buller, entre le laisser-aller - voire l'indifférence - et l'acharnement à vaincre. Quoi donc. Le cow-boy d'en face, le soldat ennemi, l'adversaire de jeu. Le sport, aussi, est un combat. il faut batailler, résister, se cramponner. Eastwood avait déjà abordé ce thème sur un plan intimiste (la boxe dans Million Dollar Baby). Cette fois, il le fait à l'échelle d'un pays. l'Afrique du Sud, en 1995, lors de la Coupe du monde de rugby.

L'enjeu est de taille. rien de moins que la naissance d'une nation. Symbolique certes, mais de symboles, la politique a toujours besoin. Nelson Mandela vient d'être élu. Officiellement, l'apartheid est enterré. Dans les faits, il perdure. Lorsqu'il prend ses fonctions, le nouveau président annonce à son staff qu'il ne pratiquera aucune ségrégation parmi ses collaborateurs. les Blancs ne seront pas congédiés. Malgré tout, Noirs et Blancs ne se mélangent pas. le service d'ordre est clairement divisé en deux équipes, les fidèles gardes du corps de Mandela et les anciens, qui travaillaient pour De Klerk. Comment trouver un terrain d'entente ?

Le rugby, ce sport de voyous pratiqué par des gentlemen, sera donc la réponse. Déroutante, improbable. Nelson Mandela a l'intuition géniale que cette Coupe du monde est une occasion unique pour réconcilier tous les Sud-Africains. il faut viser la victoire de l'équipe nationale. Sauf que c'est une idée aberrante. les Springboks vert et or, historiquement composés presque ­entièrement de Blancs, n'ont jamais été soutenus par les Noirs. Second handicap, énorme. l'équipe est médiocre ; passer le premier tour de la compétition serait déjà un exploit. C'est l'une des forces du film. montrer que les grands gestes peuvent s'appuyer sur un brin de naïveté ou de folie.

Une sorte de mystique commune du sport et de la politique se fait jour dans Invictus. Une foi inébranlable, mais qui n'est pas aveugle, chevillée au réel. « On n'est jamais à 100 %, dans le sport comme dans la vie». souffle, un moment, Mandela à François Pienaar (Matt Damon), le capitaine des Springboks. Cette phrase étonnante de lucidité est sans doute la clé du film. elle signifie que la lutte se fait surtout avec soi-même. Surmonter ses blessures et ses faiblesses, puiser au fond de soi des ressources insoupçonnées, se libérer du goût de la vengeance et gagner de la puissance en pardonnant aux Blancs, c'est aussi ce que Mandela veut accomplir et transmettre. Non sans mal. il vieillit, mine de rien. on le voit faire un malaise. Quelque chose d'émouvant passe dans ses gestes moins sûrs, dans cette lenteur de lion, idéalement incarnée par Morgan Freeman.

Sur la pelouse, François Pienaar prend le relais et se surpasse avec ses coéquipiers. En général, au cinéma, lorsque des acteurs mettent des crampons, c'est souvent ridicule. Matt Damon, lui, est assez crédible. C'est d'autant plus surprenant que lui et Eastwood, comme bon nombre d'Américains, sont étrangers à la culture du rugby. Le film s'attarde, d'ailleurs, rarement sur le jeu stricto sensu et faillit quelque peu lorsqu'il abuse du ralenti dans certaines actions décisives. De toute façon, il s'agit moins de célébrer la beauté du sport que de refléter son retentissement à travers le pays, la ferveur collective, le flot d'impressions, à la fois riches et futiles, que la ­compétition procure. En cela, Eastwood, cinéaste rassembleur et populaire par excellence, est parfaitement à la hauteur de l'événement historique. Il nous fait revivre de l'intérieur cette aventure humaine, orchestrant l'émotion en un formidable crescendo. Etre tout près des dieux, partager un sentiment fugace d'éternité, qui peut résister à cela ?

Critique du 24/10/2015

Par Jacques Morice

| Genre. rassembleur. Un dur Г cuire qui rГЄve de sieste molle, c'est le profil type dans le… (Lire la suite)